L'histoire de la culture maraîchère dans les hortillonnages d'Amiens est très ancienne. Si ancienne que l'on ne sait dater avec précision. D'après la légende, la fameuse cathédrale d'Amiens fut construite, au XIIIe siècle, sur un champ d’artichauts cédé par les maraîchers des hortillonnages !
À l'époque Gallo-Romaine, Amiens s'appelle encore Samarobriva, et ce qui deviendra plus tard les Hortillonnages d'Amiens n'est encore qu'un ensemble de marais et d'îlots de la Somme en amont de la ville.
On y cultivait néanmoins, semble-t-il, déjà la terre fertile pour y produire des légumes. Il faut garder en tête que le site est à l'origine un site naturel, qui sera, au fil des siècle, façonné par l'Homme. On ne connaît d'ailleurs pas le périmètre des Hortillonnages à cet époque…
Les documents d'archive mentionnent explicitement les Hortillonnages dès 1492. Les légendes populaires nous permettent de remonter un peu plus loin dans le temps : l'histoire amiénoise veut même que la célèbre cathédrale d’Amiens a été construite en 1220 sur… un champ d’artichauts, qui aurait été cédé pour l'occasion par un couple d'hortillons !
Autrefois, les hortillonnages s'étendaient bien au delà de leurs limites actuelles. C'est ainsi qu'au XVe siècle, le site couvrait une surface de plus de 1500 hectares. En 1900, il était déjà réduit à 500 hectares.
En 1973, la métropole amiénoise s'étend encore, la banlieue se développe (notamment Rivery, Camon et Longueau). Les voies ferroviaires, elles aussi, s'étendent, et le site des Hortillonnages finit par être enfermé dans l'agglomération urbaine amiénoise. À présent, les hortillonnages occupent une superficie d'environ 300 hectares (un espace de six kilomètres sur trois).
En 1762, on comptait environ 47 hortillons, formant une communauté bien identifiée, avec ses règles propres, qui fournit la ville d'Amiens en primeurs. On devenait hortillon de père en fils, formant ainsi de véritables dynasties d'hortillons !
Le chef de cette communauté était élu (le grand patron de tous restant Saint Fiacre), et s'appuyait sur une hiérarchie bien organisée pour la gestion des hortillonnages : capitaine des hortillons, lieutenants…
Vivre de la culture des aires n'a jamais été simple. Autrefois, le travail était pénible, et les hortillons ont du faire face à ces conditions difficiles, notamment en s'équipant de manière spécifiques. Ils ont ainsi, très tôt, mis au point toute sorte d'outils spécialisés.
Les hortillons ont conçu une embarcation spécifique, la barque à cornets, dont la forme est étudiée pour pouvoir accoster sur les parcelles sans détériorer les berges (extrémité relevée et allongée), et dont la taille (jusqu'à 10 mètres) leur permettait de charger jusqu'à une tonne de produits.
Ils ont également du s'équiper d'outils de culture et d'entretien des rieux et des berges, comme le louchet, la faucarde ou encore le fourchet.
Au XXe siècle, l'apparition des transports frigorifiques et les importations porta un coup important à l'activité animant les hortillonnages.
Beaucoup d'hortillons abandonnèrent l'activité, et une grande quantité d'aires furent transformées en jardins d'agréments pour les citadins, ou simplement laissés à l'abandon. Les constructions individuelles et autres abris de jardins se sont multipliés, sans conseil ni réglementation, sur le site.
Le déclin du maraîchage a été suivi, dans les année 70, d'une autre menace pour la pérennité du site dans sa forme traditionnelle : un projet d'extension de la rocade d'Amiens prévoit de faire passer une route importante en plein cœur des hortillonnages.
C'est alors que nait l'association pour la protection et la sauvegarde du site et de l'environnement des Hortillonnages, qui n'aura de cesse année après année, de protéger, promouvoir et défendre le site contre les menaces (nombreuses) pouvant peser sur lui. Le projet de route fut finalement abandonné… L'association, quant à elle, existe toujours, et se consacre aujourd'hui, notamment, à l'accueil des visiteurs du site, en proposant des balades en barques à cornet électrique au fil des canaux.
Depuis plus de vingt ans, les hortillons ont compris l'intérêt de la production saine et écologique, ayant eux-même, dans le passé, fait les frais des engrais et pesticides chimiques. C'est ainsi que bien avant l'engouement pour l'alimentation bio constaté depuis quelques années, on s'est mis à produire (ou re-produire), dans les hortillonnages, des fruits et légumes de manière simple, équitable et naturelle. L'attrait des consommateurs amiénois pour la vente de ces produits des hortillonnages sur le quai Bélu, chaque samedi, ne cesse de grandir.
C'est parfois en s'inspirant de nos ancêtres que l'on imagine un avenir meilleur !